1 – Un intérêt commun 
 

Les chasseurs et les écologistes auraient dû, depuis longtemps, se lier d’amitié. Ils ont un intérêt commun à protéger la nature. Les écologistes et particulièrement les naturalistes aiment observer la faune et la flore et sont toujours à la recherche de milieux riches en diversité biologique. Les chasseurs aiment une nature giboyeuse qui rendra la traque plus intense et surtout plus fructueuse. Il est un peu absurde de prétendre que les chasseurs, même s’ils prélèvent des animaux, souhaitent détruire la nature car plus celle-ci est en « bonne santé » et plus ils pratiqueront leur loisir dans de bonnes conditions. 

Chasseurs et écologistes ont donc la même envie de protéger les aires naturelles contre le développement urbain ou l’agriculture intensive par exemple. Il faut d’ailleurs souligner que beaucoup d’associations de protection de la nature et de Fédérations de chasseurs collaborent sur le terrain chaque année pour mener des actions communes. 

2 – Qui se ressemble s’assemble

Écologistes et chasseurs sont amis parce qu’ils se ressemblent. Les naturalistes (qui sont, si l’on veut, une sous-catégorie d’écologistes) ont pendant très longtemps (jusqu’au milieu du XXème siècle) tué des animaux dans la nature pour les étudier et réaliser des « collections ». Les grandes collections d’animaux naturalisés dans les Muséums d’Histoire Naturelle du monde entier sont leurs faits d’arme (au sens figuré comme au sens propre). Aujourd’hui, les naturalistes ont troqué leurs fusils contre des jumelles et des appareils photo et ils se contentent de réaliser des collections virtuelles (ils réalisent, par exemple, des listes d’espèces qu’ils ont vues). Mais, l’essentiel est toujours là : les chasseurs et les naturalistes ont développé une activité de « traque ». Le but et le résultat sont différents, mais il y a bien une similitude. D’ailleurs, pour la petite histoire, ce sont des chasseurs qui ont fondé la Ligue pour la Protection des Oiseaux il y a 110 ans, preuve qu’il y avait peu d’antagonisme au départ.

3 – Qui se ressemble se déteste

Même si ces deux acteurs ont a priori des intérêts communs, il faut reconnaître qu’ils ne s’aiment pas beaucoup… Un fait tout simple explique cela : ils pratiquent leur loisir sur un même terrain de jeu. C’est un peu comme si une équipe de rugby et une équipe de foot devaient se partager le même stade. Assurément, des conflits éclateraient et chacun s’emploierait à dénigrer la passion de l’autre. C’est la même chose pour les écologistes et les chasseurs. Les uns tuent les animaux que les autres désirent observer. Les chasseurs ennuient les écolos avec le bruit de leur fusil et les écolos ennuient les chasseurs avec leurs réserves. L’animosité risque d’être éternelle car la guerre chasseurs/naturalistes est avant tout un « conflit d’usage ». Ce conflit existe bien sûr avec d’autres types d’acteurs comme les forestiers, les agriculteurs, les ramasseurs de champignons ou les amateurs de varappes. Mais pourquoi est-il si fort entre chasseurs et écologistes ? Pour la raison essentielle que l’on a dite : ils se ressemblent. Qui dit ressemblance dit rivalité : c’est l’histoire de Sparte et d’Athènes, de Romulus et Remus et Caïn et Abel… qui finit toujours en guerre « fratricide ».

4 – Conflit apparent sur les « espèces nuisibles ».

Les chasseurs sont souvent prompts à identifier des espèces « nuisibles ». Aucun être vivant ne peut être nuisible « en soi », mais certains peuvent être nuisibles à certaines activités humaines comme la foresterie, l’agriculture, etc. Les chasseurs peuvent alors apparaître comme un recours pour rendre un service à la société, ce que les intéressés ne manquent pas de mettre en valeur. Le plus souvent les écologistes contestent la notion d’espèces nuisibles et combattent le classement en « nuisible » de certaines espèces comme le renard ou le blaireau. Il faut dire que les deux acteurs ne poursuivent pas les mêmes buts : les uns veulent davantage d’espèces à chasser et ne sont pas mécontents que certaines soient considérées comme « indésirables » et les autres sont des passionnés de diversité. Le paradoxe est que, souvent, les associations de protection de la nature identifient elles-aussi des espèces nuisibles. Ce sont le cas des espèces introduites comme l’écureuil gris ou l’écrevisse américaine par exemple… Ils chassent même les ragondins dans leurs réserves ce qui prouve que les écologistes aussi estiment que certaines espèces peuvent être nuisibles.

5 – La question « animale » au cœur du conflit.

Depuis quelques années le mouvement de l’écologie est devenu très sensible à la cause du bien-être animal avec, dans sa forme la plus extrême, l’émergence de l’animalisme. Sur cette question, les deux acteurs semblent irréconciliables car le principe final de la chasse est de mettre à mort des animaux.
Ceci paraît d’autant plus insupportable à certains que la chasse est, en France, une pratique de loisir et non pas de subsistance. Les chasseurs tentent bien d’argumenter que les animaux souffriront beaucoup plus s’ils sont tués par des prédateurs naturels et qu’il vaut mieux recevoir une balle que d’être dévoré vivant par un rapace ou un loup, mais rien n’y fait. Le chasseur apparaît comme un être insensible qui fait souffrir sans raison valable. Il existe ici un autre paradoxe. Certaines associations, comme on l’a vu, pratique la régulation des espèces dans leurs réserves naturelles. Dans les centres de sauvegarde pour animaux sauvages qu’elles gèrent, elles aussi sont obligées de tuer souris, rats, insectes pour nourrir leurs pensionnaires… Elles font donc aussi « souffrir » les animaux…

6 – La question des limites.

La pensée écologique met en lumière une question essentielle : celle des limites. Pour que les êtres humains soient plus respectueux de ce qui les entoure, ils doivent prendre conscience de « la valeur des choses” ce qui revient à expérimenter la difficulté à les obtenir. Le monde de la chasse a, dans ce contexte, quelque chose à apprendre au monde de l’écologie. En effet, l’acte de chasse consiste à traquer, tuer un animal puis souvent à le dépecer, à le cuisiner et enfin à le manger. Cette expérience est, en soi, une expérience de la limite car l’acte final est précédé par des étapes qui peuvent être longues et difficiles. On peut penser qu’on respectera davantage l’animal et la nature si on a vécu ce genre d’expérience. La majorité des personnes vit aujourd’hui dans un monde aseptisé où elle n’a
plus de contact avec certaines réalités concrètes. L’activité de chasse, avec tout ce qu’elle comporte, peut permettre une certaine reconnexion et un apprentissage des limites. D’ailleurs, le mouvement « survivaliste », très en vogue actuellement, peut être vu comme une mouvance de l’écologie qui n’est pas « effrayée » par l’activité de chasse. Il y a donc là encore certaines accointances.

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